Histoires familiales

Lorsqu’Henrietta Mills a épousé Charles Chauvin le 28 juin 1860, alors âgés respectivement de 16 et 20 ans, son acte de mariage l’a qualifiée d’« esclave de l’Université de Saint-Louis ». Leur mariage a très probablement eu lieu dans la « chapelle colorée » dans la galerie supérieure de la St. Francis Xavier College Church, située alors au coin de la 9e et de Green (maintenant Lucas) sur le campus de l’Université de Saint-Louis. Nous savons peu de choses sur la vie d’esclavage d’Henrietta Mills à part cet acte de confirmation et son acte de mariage. Elle est née dans l’esclavage vers 1844 et elle a reçu sa confirmation le 1er mai 1855 à la St. Francis Xavier College Church alors qu’elle avait environ 10 ans.

Charles F. Chauvin est né vers 1840 et il a été tenu en esclavage par une femme de la région nommée Amanda Curtis. Les témoins de leur mariage étaient Samuel Tyler, un homme anciennement détenu par l’Université de Saint-Louis qui avait acheté sa liberté en 1859, et Ann Mills, qui était peut-être liée à Henrietta.

Charles et Henrietta ont eu leur premier enfant, Sylvester, vers novembre 1860 ou 1861. Au cours des deux décennies suivantes, Henrietta et Charles Chauvin ont eu neuf autres enfants : William Francis (1862), Abraham (« Able ») (1865), Peter (1870), Mary Elizabeth (1871), Julia (1873), Rosine (1874), Lincoln (« Link ») (1877), Jerome Alexander (1878) et Louis Ignatius (1884).

Charles et Henrietta sont également devenus les parrains de trois enfants entre 1860 et 1864. Ces baptêmes ont probablement eu lieu dans la même « chapelle pour gens de couleur » de la St. Francis Xavier College Church. La paroisse St. Elizabeth a succédé à la chapelle en tant que première paroisse catholique noire de Saint-Louis. Plusieurs membres de la famille Mills-Chauvin et leurs descendants ont participé aux activités paroissiales au tournant du 20e siècle, alors que les Noirs catholiques à Saint-Louis ont fait de St. Elizabeth un élément essentiel de leur vie spirituelle.

Pendant la Guerre civile, Charles Chauvin a été enrôlé dans l’infanterie des Noirs des États-Unis, la U.S. Colored Infantry. Charles a gravi les échelons de l’armée à partir de novembre 1864 en commençant en tant que soldat du 7th U.S. Colored Artillery. En septembre 1865, il servit comme sergent du 11th U.S. Colored Infantry après que la 7e infanterie ait changé pour le 11th Colored Infantry. Chauvin a servi dans cette unité jusqu’à son retour à Saint-Louis à la fin de 1865. Il figure parmi les membres du 11e régiment au cimetière commémoratif afro-américain de la Guerre civile à Washington D.C., le African American Civil War Memorial, qui rend hommage à ceux qui se sont battus pour leur liberté avec l’Armée de l’Union (Union Army).

Au fur et à mesure que leurs enfants grandissaient, la famille Mills-Chauvin a travaillé dur pour subvenir aux besoins des uns des autres. Dans les années 1880, Charles et Henrietta vivaient avec leurs enfants Sylvester, Abraham, Julia, Rosine et Jerome. Charles a travaillé comme porteur et Henrietta a travaillé comme ménagère. Leur fils Abraham, 16 ans, travaillait comme barbier tandis que Julia, 7 ans, et Rosine, 6 ans, allaient à l’école. Sylvester, 20 ans, était serveur d’hôtel et vivait dans la maison avec sa femme Mary, 19 ans, qui elle s’occupait la maison.

Charles Chauvin est décédé le 7 août 1890 à l’âge de 50 ans. Il a été enterré au cimetière aujourd’hui disparu Holy Trinity. En tant que veuve, Henrietta Chauvin a vécu avec ses fils dans diverses résidences. Les dossiers militaires montrent qu’elle a demandé à recevoir les pensions de la Guerre civile de son mari. Henrietta est décédée en décembre 1905, 15 ans après la mort de son mari, et elle a été enterrée le 26 décembre dans le champ Potter du cimetière Calvary.

Jeunes adultes, les enfants de Mills-Chauvin ont exercé diverses professions, notamment comme fabricants de matelas et barbiers.

Sylvester Chauvin était un joueur vedette du club des Black Stockings de Saint-Louis, une des premières équipes de baseball composée de Noirs du pays. Entre 1883 et 1886, il a parcouru le pays avec l’équipe, jouant au troisième but et au champ droit, et il est devenu capitaine de l’équipe en 1885. Les Black Stockings connurent un énorme succès au début des années 1880. Ils ont voyagé à travers le Midwest, jouant dans l’Illinois, le Michigan, l’Ohio et le Haut-Canada contre des équipes composées d’anciens professionnels noirs et blancs, de semi-professionnels et d’amateurs. Le public noir est venu en grand nombre pour regarder l’équipe à travers le pays. Les Black Stockings ont joué devant des foules immenses à Detroit, Cincinnati et Louisville. Charles Tyler, le cousin germain de Sylvester et le fils de Matilda Tyler, a cogéré les Black Stockings de Saint-Louis.

En plus de sa carrière de baseball, Sylvester Chauvin apparaît dans les archives publiques dès 1883 en tant que musicien. Sylvester jouait des cuivres, tandis que son frère Lincoln « Link » Chauvin (environ 1877-1913) jouait de la guitare et travaillait comme chauffeur et ouvrier. Leurs frères Peter et Abraham étaient également musiciens. Lincoln Chauvin et Goldy Richardson ont eu un fils né le 15 août 1901 qu’ils ont nommé Sylvester, du nom du frère de Link. Les archives suggèrent que Sylvester Chauvin II a été élevé par son oncle Peter Chauvin et sa femme Cora. À 18 ans, Sylvester Chauvin II épousa Jessie Dalton, 16 ans, et il a travaillé comme mouleur. Ils vivaient dans la maison du père de Jessie, Thomas Dalton, un porteur du Tennessee. Sylvester Chauvin II est décédé le 24 septembre 1928 et il a été inhumé au cimetière St. Peter à Saint-Louis. Jessie Chauvin, veuve, a travaillé comme domestique pour subvenir aux besoins de sa jeune famille.

De tous les Chauvin qui étaient musiciens, Louis Ignatius Chauvin (1884-1908) est sans aucun doute le plus connu. Louis Chauvin est né le 24 février 1884 et il a été baptisé le 9 mars 1884. Il a été confirmé par l’archevêque John Joseph Kain le 17 mai 1896 à la paroisse St. Elizabeth.

Nos recherches indiquent que Louis Ignatius Chauvin est le même musicien que Louis Chauvin, qui a joué avec le compositeur de ragtime Scott Joplin. Lors du recensement de 1900, un Louis « Shovan » est inscrit sur la liste des locataires de la rue Chestnut, un musicien de 18 ans né dans le Missouri en février 1882. Les deux parents sont répertoriés comme venant du Missouri.

Selon Rudi Blesh et Harriet Janis dans leur livre They All Played Ragtime (1944), Louis Chauvin a fait une tournée avec son ami d’enfance Sam Patterson, il a publié de la musique et il a joué à l’Exposition universelle de 1904 à Saint-Louis. « En tant que garçon, je pensais que j’étais des cacahuètes », a déclaré Patterson dans une interview en 1949 « mais je savais alors que je ne serais pas l’artiste que Chauv était. »

La paroisse d’origine de la famille Chauvin a apporté son soutien à la carrière de musicien de Louis Chauvin. La branche des Chevaliers catholiques d’Amérique de la paroisse St. Elizabeth a parrainé une représentation de Louis Chauvin et de Sam Patterson le soir du 6 avril 1904, quelques semaines à peine avant le début de l’Exposition universelle de Saint-Louis.

Malgré sa notoriété, le bilan de la carrière musicale de Louis Chauvin est maigre. Il n’existe aucun enregistrement de sa musique et seulement trois publications de ses compositions. Il est décédé le 26 mars 1908 à l’âge de 24 ans à Chicago et fut inhumé au cimetière Calvary de Saint-Louis.