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Ignatienne au quotidien. Les familles ont un urgent besoin d’amis qui n’ont pas d’enfants à élever pendant la pandémie.

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par Shannon K. Evans

Ma journée de parent avait été l’une des plus moches depuis longtemps. Les restrictions de la pandémie et les besoins de cinq jeunes enfants s’étaient combinés pour déclencher une tempête parfaite de frustrations, de larmes et d’accès de colère – chez moi surtout. Au soleil de la fin d’après-midi, assise sur les marches d’en arrière avec mes trois plus jeunes, j’attendais la visite de la marraine de ma fille, qui devait lui apporter son cadeau d’anniversaire. Un événement, car nous ne voyons pratiquement personne ces temps-ci.

À l’arrivée de mon amie, les enfants se sont jetés sur elle comme un vol de vautours sur leur proie. Adieu la distanciation sociale! J’ai fait la grimace, mais elle ne semblait pas s’en faire. Gentiment, elle a laissé les garçons lui présenter les poulets, puis le chiot, et lui faire pousser le bébé dans sa balançoire. Ravie de ce congé de responsabilités, je sentais mon souffle et mon pouls ralentir peu à peu : quelqu’un d’autre prêtait l’oreille aux histoires désarticulées et répondait aux questions redondantes. Doucement, mon corps se détendait.

À la fin de cette courte visite, je me surprenais à rire de leurs gamineries sur le trampoline et j’avais repris plaisir à interpréter le babillage de ma petite de deux ans. De voir mes enfants à travers les yeux d’une autre me faisait redécouvrir les êtres mignons et charmants qui partagent mon quotidien. Il aura suffi de quelques minutes pour oublier que j’étais épuisée et voir ma vie pour ce qu’elle est : comblée de grâce et de joie à chaque détour.

Je voudrais pouvoir dire qu’à compter de cet instant la journée s’est transfigurée, mais ce ne fut pas le cas. La visite m’avait redonné juste assez d’énergie pour traverser les heures suivantes sans causer plus de dégâts, ce qui est la définition, certains jours, de « faire de son mieux ». Mais le lendemain matin, au réveil, j’ai trouvé un courriel de mon amie :

« Je savoure encore ma rencontre avec ta merveilleuse famille. Tant de joie dans chaque aspect de la vie. Faute de petits autour de soi, on oublie facilement le prix de chaque instant et de chaque aspect de la création. »

Je fixai l’écran de l’ordi en clignant des yeux pour essuyer mes larmes. Élever des enfants pendant une pandémie, c’est dur. Il n’y a pas à dire. Mais comment avais-je pu en venir à me hérisser contre les besoins de base de mes enfants? Comment avais-je pu céder autant à la frustration devant leurs simples réactions? Or je savais bien pourquoi : je n’étais plus centrée sur Dieu. Je ne cherchais plus Dieu en toutes choses; j’étais trop occupée à me soucier de ce que j’aurais voulu faire d’autre.

J’ai compris que si j’étais malheureuse, c’est que j’avais arrêté de vivre pleinement l’instant présent, de me fixer sur le « maintenant ». Attachée à mon ordre du jour chamboulé, je me vouais à la frustration en me braquant dans une attitude qui m’empêchait de communier avec Dieu au présent : je n’en avais que pour ce qui viendrait après. Alors que Dieu essayait de me faire signe à travers le sourire joufflu du plus petit ou les efforts du plus grand pour se rendre utile, je me sentais spirituellement stérile parce que « je n’avais pas le temps de prier ».

Mon amie, dont les enfants sont maintenant de jeunes adultes, m’a rappelé que celles d’entre nous qui ont des tout-petits ont le privilège de se faire rappeler chaque jour que la vie est précieuse et la création magique. Le parentage est peut-être l’invitation la plus évidente qui soit à une vie spirituelle plus profonde, mais c’est une invitation difficile à accepter. Même celles d’entre nous qui aspirent à faire de chaque instant un moment sacré perdent souvent le nord. Si mon amie ne m’avait pas envoyé ce courriel, qui sait pendant combien de temps encore j’aurais oublié que les sacrements de la chair et de la terre ne perdent jamais leur vertu sidérante.

Cette année a été difficile pour les familles. Les soucis pour la santé des enfants, pour leur bien-être mental et affectif, et l’incertitude touchant leur éducation ne cessent de hanter les parents. Nous sommes, pour la plupart, coincés à la maison, sans beaucoup d’interaction sociale, privés de camps de jour et de l’heure du conte à la bibliothèque. Les mamans et les papas sont de plus en plus fatigués. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin d’un village pour nous aider à élever nos enfants.

Amis et proches, voisins et grands-parents, coparoissiens et membres de la communauté, nous les parents, nous avons besoin de vous tout de suite. Nous savons que notre village ne peut plus être ce qu’il était avant la COVID-19, mais la place importante que vous occupez dans notre vie n’a pas changé, elle. Nous avons besoin que vous nous présentiez un miroir pour nous faire voir la sainteté et la beauté de ce que nous avons sous les yeux. Nous avons besoin de vos courtes visites socialement distancées. Nous avons besoin de trouver vos cartes dans le courrier. Des livres d’activités que vous laissez à notre porte. Du saut que vous ferez chez nous pour rappeler à nos enfants combien ils sont aimés. De la conférence Zoom que vous organiserez après l’heure du coucher pour nous donner la chance de nous délester de notre journée.

Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de nos covillageois, de vous, pour nous aider à trouver Dieu dans tout ce désordre. Le moindre de vos gestes d’amour pour les familles que nous sommes fait beaucoup :  beaucoup plus, souvent, que vous ne pouvez le soupçonner.

Ce matin, j’ai remercié le Seigneur de m’avoir laissé voir mes enfants et ma vie à travers les yeux de mon amie. Aidez-moi à me rappeler, lui ai-je demandé. La journée n’a pas été parfaite, loin de là, mais j’ai pu souffler sur le ventre d’un nourrisson, amadouer un enfant grincheux, abreuver des poulets assoiffés et sentir l’herbe fraîche par une chaude journée d’été. J’ai essayé de rester présente au Dieu qui était ici, maintenant, au milieu de tout cela, et cent fois j’ai oublié, mais cent fois j’ai pu me rappeler, à nouveau, comme si c’était la première fois.

Shannon K. Evans est l’auteure d’Embracing Weakness: The Unlikely Secret to Changing the World. [Étreindre la faiblesse: l’improbable secret pour changer le monde]. Elle a publié dans les revues America et Saint Anthony Messenger et elle a fait paraître des textes en ligne, entre autres, sur les sites Ruminate, Verily, Huffington Post et Grotto Network. Shannon, son mari et leurs cinq enfants vivent dans le centre de l’Iowa.

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