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Maintenant, discerne ça. Mes volets et la Nouvelle Année

par Eric A. Clayton

J’ai entrepris la Nouvelle Année en installant des volets chez nous. Je ne dis pas ça pour me vanter.

Et avant que vous ayez l’idée de m’embaucher pour vos travaux de rénovation, je dois vous avertir : je suis pourri en matière de petits travaux domestiques. Je déteste ça et je doute profondément de mes capacités. Ces volets sont une anomalie. Dites-vous bien qu’ils n’ont pas encore une semaine.

Mais il nous fallait des volets; notre maison avait besoin de relief. Mon épouse, après avoir exploré soigneusement les suggestions de Google sur « l’installation de volets », avait conclu qu’il serait à la fois économique et pas complètement impossible pour moi de dépoussiérer et d’utiliser ma perceuse sans l’aide d’un professionnel de la construction. Or je suis toujours prêt à affronter l’impossible pour « faire des économies ».

Mais nous avions besoin d’une échelle.

Le projet Volets nous a donc amenés, en ce début d’année, à frapper chez nos voisins et à leur présenter nos meilleurs vœux en quête d’une échelle éventuelle.

Finalement, l’échelle en main – ou plutôt sous mes pieds : c’est bien la perceuse que j’avais en main – mon épouse et moi nous sommes mis au travail.

Il s’avère que ma maison a deux types de revêtement : un qui est assez facile à percer (percer jusqu’où, je n’en ai pas la moindre idée) et un qui ne l’est décidément pas. En haut de l’échelle, le front en sueur, je changeais une mèche pour une autre en forant des trous dont je n’étais pas du tout sûr s’ils étaient nécessaires, correctement alignés ou destinés à causer des dommages irréversibles…

Il y eut abondance de pleurs et de grincements de dents. Et de jurons.

J’ai failli abandonner. Je l’aurais probablement fait, si la façade de la maison n’avait pas eu l’air parfaitement ridicule avec des volets à moitié installés. (Nos voisins avaient eu la gentillesse de nous prêter leur échelle pendant les vacances, nous n’allions pas leur imposer en échange le spectacle quotidien d’une monstruosité.) Nous avons donc continué. Et nous avons réussi.

Mais je me suis posé une question en haut de mon échelle : pourquoi étais-je si inquiet, pour ne pas dire terrorisé, par ce projet? Mon épouse avait bien étudié la question et nous savions exactement ce qu’il fallait faire. Nous avions les outils nécessaires et toute une rue de voisins empressés à nous prêter leur échelle.

Or l’inquiétude persistait. Elle se ramenait à deux choses : d’abord, je ne pouvais pas, physiquement, voir à travers le mur, je ne comprenais pas bien la fonction des pièces et des morceaux. Qu’est-ce que j’étais en train de percer? Est-ce que ça fonctionnait vraiment ?

Deuxièmement, qu’allais-je faire si jamais je me trompais ? J’ai à peine le savoir-faire pour charger la perceuse, je ne pourrais certainement pas corriger une installation de volets bancale. Qu’adviendrait-il de tous ces trous déplacés sur la façade de notre maison ?

J’avais peur de ce que je ne pouvais pas voir et de ce que je ne pouvais pas savoir.

Venons-en au fait. Je parie que nous envisageons toutes et tous d’installer des volets chez nous cette année. Nous avons probablement pris la résolution de le faire.

Non, nous n’allons pas tous grimper en haut d’une échelle pour installer littéralement des volets. Mais nous avons des objectifs en tête, des choses que nous voulons faire, des espoirs, des rêves, des aspirations.

Et face à notre résolution se dresse l’inconnu : ce que nous ne pouvons ni voir ni savoir. Allons-nous continuer quand même? Ou allons-nous laisser l’inconnu nous paralyser?

L’essentiel au sujet de notre foi, cette foi que nous venons de célébrer à Noël, c’est que le Christ est entré dans le monde, qu’il continue d’entrer dans notre monde. Tout, absolument tout – chaque chose, chaque réalité — resplendit de la lumière du Christ. Ce mystère, le mystère de l’inconnu, est en fait une invitation à entrer dans le Mystère, l’invitation à entrer en Dieu dans la foi.

Nous ne pouvons ni voir ni savoir où cela nous conduira. Et nous pouvons passer tout notre temps à angoisser, incertains de ce qui pourrait arriver ou de ce qu’on pourrait attendre de nous. Nous échouerons inévitablement ; nous percerons des trous exactement où il ne faut pas.

Deux choses à garder à l’esprit : notre Dieu s’intéresse intimement aux désirs les plus terre-à-terre enfouis dans nos résolutions du Nouvel An. Dieu veut que nous réussissions, il veut que nous plongions profondément dans les saints désirs que nos résolutions laissent transparaître. Et l’Écriture ne cesse de nous le répéter : « n’ayez pas peur ».

Voici, à mon humble avis, ce que ma lutte avec les volets peut nous apprendre pour l’année qui vient sur notre vie spirituelle et sur ce qui transpire de nos résolutions.

  1. Faites confiance aux connaissances nées de l’expérience et de la tradition : religieuse, familiale, culturelle…
  2. Faites confiance à la bienveillance des personnes autour de vous. Les gens veulent vous prêter une échelle et vous voir réussir.
  3. Faite confiance au Christ qui travaille en vous de manière cachée, qui est né dans l’étable et qui naît chaque jour de la réalisation de vos rêves et de vos désirs. Vous croyez ne pas être à la hauteur ; Dieu pense autrement – et il vous le montrera.

À la fin de la journée – et à la fin de l’année – Dieu met sa joie en nous : dans les trous que nous perçons accidentellement, dans les volets que nous réussissons à fixer à la maison, dans nos conversations en quête d’une échelle et dans les myriades de petites choses, si banales en apparence, par lesquelles nous faisons naître le Christ chaque jour de l’année…

En 2023, soyons toutes et tous porteurs de grâce les uns pour les autres.

La présente réflexion fait partie d’une chronique primée  de courriels hebdomadaires. Si vous désirez recevoir des réflexions comme celle-ci chaque mercredi dans votre courrier électronique, inscrivez-vous ici (les courriels ne paraissent qu’en anglais).

Eric A. Clayton est l’auteur de Cannonball Moments: Telling Your Story, Deepening Your Faith (Loyola Press) et directeur adjoint des communications à la Conférence jésuite du Canada et des États-Unis. Ses essais sur la spiritualité, l’art d’être parent et la culture pop ont paru, entre autres, dans la revue America, dans le National Catholic Reporter et dans Busted Halo. Il signe régulièrement des textes sur Give Us This Day et sur le site IgnatianSpirituality.com. Il a publié des œuvres de fiction chez Dark Hare Press, dans le magazine World of Myth et ailleurs. Il vit à Baltimore (Maryland) avec son épouse, leurs deux enfants et leur chat Sebastian. Vous pouvez le suivre en écrivant à l’adresse ericclaytonwrites.com.

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